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La Commission municipale du Québec doit exercer ses compétences avec plus de rigueur

Sue Montgomery est blanchie par la Cour supérieure du Québec



Le 28 janvier 2022 marque un tournant particulièrement significatif dans la gestion future de la Direction du contentieux et des enquêtes (ci-après la « DCE »), la division administrative de la Commission municipale du Québec (ci-après « CMQ ») qui a pour mandat d’enquêter sur les manquements éthiques et déontologiques commis par les élus municipaux et agir à titre de poursuivant.


En effet, depuis l’entrée en vigueur de certaines modifications apportées à la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale(ci-après la « LÉDMM ») en 2018, lesquelles ont conféré des pouvoirs élargis d’enquête à la DCE en cette matière, il s’agit de la première fois où la Cour supérieure accueille un pourvoi en contrôle judiciaire d’une décision de la CMQ concluant à la commission de manquements éthiques et déontologiques d’un(e) élu(e) municipal(e), en l’occurrence Mme Sue Montgomery, représentée par Municonseil avocats. La Cour supérieure a donc annulé deux décisions au motif que la DCE a failli à son devoir d’indépendance en s’exposant à l’influence de la Ville de Montréal (ci-après la « Ville ») dans la gestion de ce dossier et en agissant « main dans la main » avec cette dernière, ce qui a fait en sorte de discréditer les démarches la CMQ et son processus.


Le 5 novembre 2017, Mme Sue Montgomery est élue mairesse de l’arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (ci-après l’« Arrondissement ») sous la bannière de Projet Montréal. Insatisfaite de la prestation de travail du directeur de l’Arrondissement, l’estimant responsable d’un climat de travail toxique, Mme Montgomery demande au contrôleur général de la Ville de mener une enquête. En menant cette enquête, la Ville finit plutôt par blâmer la directrice de cabinet de Mme Montgomery pour les problèmes soulevés par cette dernière. Le contrôleur général de la Ville et la mairesse de la Ville exigent de Mme Montgomery qu’elle congédie sa directrice de cabinet mais en refusant à Mme Montgomery de prendre connaissance des rapports d’enquête portant sur le comportement présumé fautif de sa directrice de cabinet.


Devant le refus de Mme Montgomery de congédier sa directrice de cabinet sans avoir pu prendre connaissance des rapports d’enquête, le contrôleur général de la Ville donne alors instruction au directeur de l’Arrondissement d’empêcher toute communication entre la directrice de cabinet de Mme Montgomery et tous les fonctionnaires de la Ville. Le contrôleur général de la Ville décide également de déposer une plainte auprès de la CMQ en alléguant que le refus d’agir de Mme Montgomery constitue un manquement éthique et déontologique.


La dispute s’intensifie. Mme Montgomery suspend à trois reprises le directeur de l’Arrondissement sans solde au motif que ce dernier refuse de suivre ses instructions de façon à permettre à sa directrice de cabinet d’exercer ses fonctions en la présence de ce dernier.


Le 9 mars 2020, Mme Montgomery dépose une demande d’injonction auprès de la Cour supérieure cherchant à interdire à la Ville de s’ingérer dans les affaires de l’Arrondissement et à obtenir une copie non caviardée des rapports d’enquête.


Le 31 mars 2020, la Ville et la CMQ envoient conjointement une lettre de mise en demeure à Mme Montgomery au motif que les mesures disciplinaires qu’elle a prises constituent des représailles. Le 2 avril 2020, la Ville et la CMQ déposent une demande d’injonction visant à interdire à Mme Montgomery de communiquer directement avec les employés de l’Arrondissement et exigeant qu’elle cesse toute mesure de représailles contre ceux-ci.


Devant le malaise exprimé par Monsieur le juge Bernard Synnott, J.C.S., relativement au fait que la CMQ entretient un litige judiciaire et poursuit directement Mme Montgomery alors que celle-ci devra procéder à une audition en éthique et déontologie par la suite, la CMQ réalise alors qu’elle doit se désister de la procédure et laissant ainsi la Ville poursuivre le recours.


Le 11 décembre 2020, le juge Synnott rend une ordonnance d’injonction permanente ordonnant à la Ville de mettre fin immédiatement aux directives du contrôleur général de la Ville et déclare que Mme Montgomery a toujours eu le droit d’obtenir une copie non caviardée des rapports d’enquête, étant l’autorité désignée à cette fin, donc responsable des décisions de relation de travail avec sa cheffe de cabinet.


Par la suite, suite à l’audition en éthique et déontologie, la CMQ retient onze (11) manquements éthiques et déontologiques sur les vingt-sept introduits à l’encontre de Mme Montgomery en lien avec la trame factuelle exposée ci-dessus, lesquels ont fait l’objet du pourvoi en contrôle judiciaire.


Sous la plume du juge Alexander Pless, J.C.S., la Cour supérieure énonce que l’exigence d’indépendance est particulièrement importante dans le présent contexte, et ce, étant donné que la DCE opère dans un contexte démocratique particulier et ne peut être instrumentalisée à des fins politiques par des adversaires politiques.


À cet égard, la Cour supérieure rappelle que la décision par la CMQ de donner suite à une plainte peut avoir des conséquences importantes sur la réputation de l’élu(e) municipal(e) accusé(e) et que personne ne devrait être soumis indûment à de telles accusations.


La Cour supérieure conclut que la DCE s’est comportée d’une manière qui aurait amené une personne raisonnablement informée à appréhender qu’elle ne soit pas indépendante de la Ville, et ce, en raison du fait qu’elle a signé une lettre de mise en demeure et intenté une procédure judiciaire de manière conjointe avec la Ville à l’encontre de Mme Montgomery.


Lors de l’audition devant le juge Alexander Pless, J.C.S., la CMQ a soutenu avoir déposé une procédure judiciaire conjointe dans le but d’être « plus économique » financièrement, argument qui a été rejeté à bon droit. Pire encore, le dépôt conjoint de la procédure judiciaire a fait en sorte que la CMQ a partagé avec la Ville l’enregistrement de l’interrogatoire de Mme Montgomery avec les enquêteurs de la CMQ, alors qu’elle a elle-même admis qu’elle avait le devoir de le garder confidentiel et qu’elle n’avait pas le pouvoir de le partager.


Ceci étant dit, le juge Alexander Pless, J.C.S., a pris le soin de préciser que les avocats de la DCE se sont comportés avec intégrité et professionnalisme durant l’audition, et que leur conduite pouvait s’expliquer par un excès de zèle dans la poursuite de leur conception de l’intérêt public. N’eût été le comportement adopté par la DCE, la Cour supérieure n’aurait accueilli que partiellement le pourvoi en contrôle judiciaire.


Ultimement, la Cour supérieure vient cependant à la conclusion qu’elle ne peut cautionner la conduite qu’a adoptée la DCE en s’exposant à l’influence de la Ville, celle-ci donnant lieu à une appréhension de dépendance et ayant discrédité son institution et le processus. Ce jugement amènera certainement des changements internes importants au sein de la CMQ, surtout lorsque le plaignant est à l’emploi de la ville où l’élu exerce ses fonctions, du moins, nous le souhaitons ardemment.


Conclusion


Sue Montgomery a donc été blanchie grâce à l’excellent travail de Me Eric Oliver, Me Frédéric Legendre et Me Valéry Kovalenko de Municonseil avocats!

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